Hommage à Ginette MAROIS ; une jeune femme dans la Résistance.
Le parachutage de Sainte Colombe de Villeneuve (47300)
les héroînes oubliées : les filles de l’Escadron bleu
Ville de Cancon (Lot-et-Garonne) 1935 à 1945
Monflanquin (Lot-et-Garonne)1935 à 1945
Ci-dessous: les chemins de mémoire au nord du Lot
Irena Sendler est née à Varsovie en 1910. Son père médecin soigne tous les malades qu’ils puissent le payer ou non. C’est dans cet état d’esprit qu’Irena choisira plus tard de venir en aide aux plus démunis.
En Pologne où la communauté juive est importante l’antisémitisme est très virulent. Etudiante elle participe à de nombreuses manifestations contre la discrimination à l’encontre des étudiants juifs.
Quand les troupes allemandes occupent Varsovie, Irena est employée à la mairie de la ville dans le service de l’aide à l’enfance.En 1940 les nazis rassemblent la population juive dans le Ghetto où les conditions de vie sont épouvantables. En 1942 commencent les déportations massives vers le camp d’extermination de TREBLINKA ; Irena obtient l’autorisation d’entrer et de sortir du Ghetto. Le 5 août 1942 elle assiste impuissante à la déportation des enfants de l’orphelinat où elle avait travaillé. En collaboration avec la Résistance polonaise, Irena sous le pseudo de Jolanta, son nom de Résistante , fait sortir clandestinement des enfants par une brèche dans un mur, puis en les cachant dans des camions de pompiers ou des bennes à ordures.
Après leur avoir fourni des faux papiers , elle organise leur départ vers des institutions ou des familles d’ accueil.
Ayant reçu une formation en plomberie et serrurerie, et sous prétexte de travaux à effectuer, accompagnée de son chien, elle pénètre en voiture dans le Ghetto avec une caisse à outils et des sacs de gravats. Lorsqu’elle ressort du Ghetto la caisse à outils renferme un bébé et dans les sacs sont cachés des enfants plus grands.
Mais le 23 novembre 1943, Irena est arrêtée par la Gestapo et soumise à la torture, ses bras et ses jambes sont brisés, sans qu’elle livre un seul nom. La Résistance polonaise réussit à la faire évader.
Pendant l’insurrection de Varsovie, elle travaille comme infirmière à l’hôpital clandestin jusqu’à ce que le 17 janvier 1945, l’Armée rouge entre dans la ville.
Après la guerre, Irena déterre une jarre, enfouie dans son jardin, contenant les papiers où sont inscrits les noms des 2500 enfants qu’elle avait fait sortit du ghetto, dont beaucoup seront retrouvés par le Comité juif de Pologne.
Pour avoir été fidèle au gouvernement polonais en exil, Irena est emprisonnée de 1948 à 1949 et interrogée par la police secrète communiste. En 1965, elle est reconnue « Juste parmi les nations ». Mais en Pologne son rôle restera longtemps sous estimé. Ce n’est qu’en 2003, 77 ans après la fin de la guerre, qu’Irena SENDLER est élevée au rang d’héroïne nationale.
Elle est décédée le 12 mai 2008. Le Parlement polonais a déclaré l’année 2018 « Année Irena SENDLER »
L’histoire de cette héroïne est relatée dans un livre édité en 2004 sous le titre de
« La mère des enfants de l’Holocauste » ( Editions Muza SA de Varsovie et réédité en 2012 par les éditions du Rocher .)
Ginette Marois est née le 19 juillet 1920 à Mensignac, petite bourgade de Dordogne. Très jeune, elle connaît avec son frère, Yves, né en 1923, le malheur avec la perte de leurs parents. Orphelins, tous deux quittent alors le Périgord et rejoignent, à Taussat-les-Bains, sur les bords du bassin d’Arcachon, leur tante, Mademoiselle Palussière.
Après ses études à l’école primaire, Ginette est prise en charge, par les sœurs de Saint Joseph, rue du Hâ, à Bordeaux. Son brevet élémentaire, elle l’obtient à seize ans et poursuit ses études .Reçue au concours des bourses, elle entre à l’Ecole Primaire Supérieure de filles de Sainte-Foy-la-Grande où elle prépare et passe avec succès les trois parties du B.S., le Brevet Supérieur, en 1939, 1940 et 1941. C’est là qu’avec ses camarades de promotion, elle manifeste ouvertement sa volonté de « résistance » et son sens de l’humour et de la facétie, en brandissant deux « gaules », l’allusion au nom du général étant ici des plus évidentes.
Devenue institutrice, elle fait des remplacements en Gironde, tout en poursuivant, des études à la faculté de lettres de Bordeaux. Elle y a un contact avec un groupe de résistants dont l’un des principaux responsables, à Bordeaux, est un jeune agrégé de trente-cinq ans, le professeur Auriac. Elle fait alors partie des groupes de jeunes , à la recherche d’éventuels « évadés » en partance pour l’Espagne, via Hendaye, afin de les prendre en charge pour que, grâce à une filière à travers tout le pays basque, ils puissent arriver sans encombre en Espagne... Elle appartient aussi à la catégorie de ceux et celles que le général de Gaulle considérait comme « l’infrastructure de la Résistance » : les agents de liaison et participe, sous le pseudonyme de Simone, à de nombreuses missions qui l’amènent à aller et venir à travers la ligne de démarcation. Cependant, très tôt, le groupe auquel elle appartient va être décapité et démantelé. En effet, le 19 juillet 1941, une opération anéantit toute la cellule que dirige à Bordeaux Jean Auriac. Ce dernier, conduit devant le sinistre commissaire principal Pierre Poinsot, se donne la mort, pour ne pas parler. Simone qui n’a pas été arrêtée trouve refuge en zone libre où elle postule pour un poste d’institutrice, en Gironde Libre à Mongauzy. Elle y demeure jusqu’en juin 1944 et joue un rôle actif d’agent de liaison avec le maquis de Lorette.
Après quelques mois, elle renoue les liens qu’elle possède avec la Résistance bordelaise, plus particulièrement avec le groupe des étudiants communistes et reprend du service, notamment comme agent de liaison à travers la ligne de démarcation toute proche puis, après l’occupation de la zone sud par les Allemands, à travers toute la région. Elle va très souvent dans le Gers, à l’auberge de jeunesse de Masseube qui est « un lieu important de le Résistance, ancré sur les camarades de la Route ». Ainsi, elle s’engage à fond dans la lutte contre l’envahisseur et, apporte à l’Union des Etudiants et Lycéens Communistes de France tout son dévouement. Toute la « tactique » de Ginette consiste à ne pas se départir de sa féminité, de son naturel. Ne jamais perdre son sang-froid est dans ce « métier » où les risques sont grands, une grande qualité.
A l’annonce du débarquement Ginette préfère rejoindre, le groupe de résistance de son frère Yves , ce dernier appartient au groupe Demorny - Anic – et Paul Bousquet, alias Demorny va l’utiliser pour différentes missions. Elle prend alors le pseudonyme de Ditka, la jeune héroïne de Faux Passeports dont elle suit la trace. Ainsi, voici le combat au grand jour, les armes à la main. « Elle ne pouvait pas, déclare M. Dutertre, délégué du Comité de Libération, lors de l’inauguration, à Taussat, d’une « Avenue Ginette Marois », rester en dehors d’un mouvement qui groupa les éléments sains de la jeunesse française dans la lutte contre l’envahisseur... temporaire vainqueur ». Dès lors, elle participe, avec son groupe, à toutes les expéditions, à toutes les luttes de ce groupe F.T.P., sur les coteaux sud de la Dordogne, dans les cantons d’Issigeac et de Sigoulès. A la fois agent de renseignements et agent de liaison pendant les combats, elle se porte sans cesse volontaire et est chargée par ses supérieurs de missions délicates et dangereuses. Infatigable, elle va, en ce mois de juillet, malgré le soleil, dénombrant les engins ennemis, recherchant les dépôts de carburant, obtenant par le sourire et la persuasion le plan des travaux effectués à Roumanières, le terrain d’aviation de Bergerac, en vue de le miner. Ginette est en première ligne dans les batailles du Bergeracois. C’est à Saussignac qu’elle entre véritablement en action. Son frère Yves dans notre journal, la Voix de la Résistance en Dordogne, écrira. […] De l’aube à la nuit tombante, Ditka va du P.C. aux détachements, des détachements aux lignes allemandes, sans souci du danger et de la fatigue. Le soir de ce jour, nos F.T.P. ont compris qu’ils avaient en elle une sœur de lutte. Ils l’accueillent en combattante et, désormais, elle ne les quittera plus ».
Elle participe aux « Trois Glorieuses » de Sainte-Foy-la-Grande où, du 14 au 17 août 1944, les forces de la Résistance affrontent victorieusement l’ennemi, l’obligeant même à se replier vers Bordeaux. Le 19 août, la ville de Périgueux est libérée, le 21, celle de Bergerac. « Comme vous étiez fiers d’elle, vous, Cyrano, son frère et vous, Demorny qui décidiez aussitôt qu’elle ne quitterait plus le bataillon ! Et comme vous étiez fiers aussi le jour de la libération, quand elle défilait avec vous dans les rues de Bergerac, si crâne sous son costume neuf ! ».
Ditka dont les dirigeants de la Résistance tiennent à mettre en avant les mérites, est retirée quelques heures de son unité, aux portes de Libourne, afin qu’elle prenne la parole, lors de la cérémonie officielle organisée à Périgueux, le 23 août 1944, pour fêter la libération de la ville. De ces instants, il nous reste une photographie. On y voit « Ditka » s’adressant, depuis la tribune érigée devant le Palais de Justice, aux Périgourdins à qui elle communique « sa tranquille vaillance et son espoir en une France libre et heureuse ». Puis c’est ensuite la libération de Bordeaux. Ditka est à nouveau invitée, fin août 1944, à participer aux cérémonies organisées pour célébrer la libération de la ville. A cette occasion, elle est placée par les dirigeants de la Résistance en tête de la colonne de tous les groupes FFI, pour le défilé des 3000 maquisards d’Aquitaine dans le stade-vélodrome de Bordeaux. Elle rejoint ensuite son unité au siège de La Rochelle. En septembre 1944, Ditka signe son engagement dans l’armée pour la durée de la guerre et a désormais le statut de « soldat de première classe au 6e bataillon du 108e R.I. ».
Elle reprend ses activités d’agent de renseignement participe aux combats du secteur de Surgères où « Demorny » installe son P.C. et, notamment, à Forges, Puydrouard, Aigrefeuille, Le Thou, Le Gué d’Allère et à Yves. Le siège s’avère long. Ditka encourage ces « oubliés du front de l’Atlantique ». Malgré l’âpreté des combats et la dureté des conditions de vie, cette « blonde au regard franc et rieur dans un visage énergique où riaient deux fossettes presque enfantines » n’en continue pas moins ses périlleuses missions. Début octobre, elle part pour La Rochelle, chargée d’un message et du contact avec la Résistance rochelaise. Pour cela, elle doit traverser les avant-postes allemands. Le 13 octobre, elle réapparaît aux avant-postes du 108e R.I. et une voiture l’emmène aussitôt à l’état-major où elle rend compte de la mission qu’elle a menée à bien. Lorsque l’entrevue se termine, il fait nuit noire et il pleut. Ditka rejoint la voiture et le chauffeur reprend aussitôt la route.
Direction, le 108e ! Sur le chemin du retour, c’est soudain l’accident déplorable, stupide, dramatique... Des phares qui s’éteignent, un tournant, une voiture lancée droit sur un platane, un choc violent, des blessures. Ginette est transportée à l’hôpital de Niort. Elle est dans le coma. Ditka livre, cinquante heures durant, son dernier combat. Puis, c’est la mort cruellement ressentie par ses proches, par Cyrano qui perd ainsi sa grande sœur, par Demorny qui voit disparaître celle qu’il avait choisie pour être son agent « privilégié », par tout le régiment enfin qui voit partir à jamais celle qui, peu de temps auparavant, circulait encore dans les lignes pour soigner et ramener les blessés.
A Niort, les autorités militaires, en liaison avec la Résistance locale et la population, organisent, une importante manifestation au cours de laquelle un vibrant hommage lui est rendu. La croix de guerre avec citation à l’ordre de la brigade est décernée à cette jeune femme, fauchée par le destin à l’âge de 23 ans, « avant d’avoir vu se réaliser le but vers lequel tendaient tous ses efforts : la défaite nazie et la Libération de la Patrie ». Pendant ce temps, « Cyrano » est autorisé à quitter le front pour Mensignac, où il s’occupe d’organiser les obsèques. C’est un convoi militaire qui transporte la dépouille de Ditka, de Niort jusqu’à son village natal, en Périgord. La compagnie de Cyrano, relevée des avant-postes, est là, le 18 octobre 1944, pour rendre à Ginette Marois, alias Ditka, les honneurs militaires. Pour Cyrano et ses hommes qui viennent d’accompagner jusqu’au bout leur « sœur de lutte », il est une dernière façon de lui rendre hommage : reprendre la lutte jusqu’à la victoire finale.
Ginette Marois nous lègue, pour reprendre les mots de Monsieur Dutertre, prononcés le 18 novembre 1945, à Taussat, lors de l’inauguration de l’avenue Ginette Marois, « un bagage de gloire que nous n’entendons pas laisser ternir ».
Extrait du discours de Jean –Paul Bedoin
Président délégué de l’ANACR de la Dordogne
Membre du Bureau National, Secrétaire général adjoint
Il y a quelques années, alors que j’habitais à Sainte-Colombe-de-Villeneuve, au lieu-dit « Noaillac », mon voisin, M. Jean-Pierre PLAGNES, évoquait au détour d’une conversation le souvenir d’un parachutiste polonais, ayant sauté sur Sainte Colombe durant la seconde guerre mondiale. Ce parachutiste était décédé à l’atterrissage et enterré depuis au cimetière communal de Sainte-Colombe-de-Villeneuve, situé au pied de l’église du village. Intrigué, je décidais d’en savoir plus.
Je me rendis au cimetière, où je trouvais facilement la tombe du parachutiste, très bien entretenue par l’association du Souvenir Français.
Photos de l’auteur
L’inscription polonaise sur la pierre tombale, indique qu’il s’agit du Sous-Lieutenant Jozef GRZYBOWSKI, décédé le 6 mars 1944, à l’âge de 29ans.
Grace à l’aide de Mme Annie OURABAH de Sainte-Colombe, j’ai pu en apprendre plus sur cet officier polonais.Il était né le 20 juin 1915, à Gostynin Skrzany, dans le district de Varsovie, Pologne. Il grandit à Varsovie et l’on retrouve sa trace en 1932 au lycée de Gostynin, où il fut élève. Il dut certainement fuir la Pologne suite à la défaite de son pays contre les armées allemandes et soviétiques et se retrouver, comme nombre de ses compatriotes, en Angleterre.
Il fut recruté par l’organisation POWN, Polska OrganizacjaWalki o Niepodległość (Organisation Polonaise de Lutte pour l'Indépendance). Cette organisation, crée le 6 septembre 1941, en collaboration avec la résistance française, avait pour mission le renseignement, le sabotage, la rédaction et la diffusion de journaux clandestins en langue polonaise, française et allemande, la recherche et la préparation de terrains de parachutage. Elle fut mise sur pied sous l’impulsion du Consul Général A.Kawalkowski alias « Justyn », en accord avec le Gouvernement polonais réfugié à Londres. Les immigrés et réfugiés polonais,nombreux en France, ont été des piliers de la Résistance qui commençait à s’organiser. Et en 1943, l'Organisation comportait environ 4000 membres. C'est sous les noms de code de Monika (Monika-bas pour la zone libre et Monika-haut pour la zone occupée) que cette Organisation entreprend son action armée.
Le Capitaine ZygmuntBrzosko, alias« Burek », est nommé responsable des opérations de parachutage depuis le Quartier Général des Forces Militaires Polonaises Clandestines en France, établi au quartier de Beaulieu, près de Roche la Molière, dans la Loire. La réalisation de ces opérations, particulièrement délicates, n'a été possible que grâce à la compétence du Lieutenant-radio Antoni Pucilowski, parachuté le 22 juillet 1943, et affecté avec son poste-émetteur à la station 'Roland', au Quartier Général.
Mais dans la nuit du 25 au 26 avril 1944, les voitures goniométriques de la Gestapo ont détecté la station radio 'Roland', à Beaulieu. Trois résistants polonais sont arrêtés, dont l'opérateur-radio le Lt. Antoni Pucilowski. Après leur transfert à Saint Etienne, ils sont internés au Fort Montluc à Lyon, puis fusillés, le 16 juin 1944, à Saint Didier de Formans, dans l'Ain. Le Lt Antoni Pucilowski a émis au cours de ses huit mois d'activité, 228 dépêches et en reçut 151, permettant le parachutage d’un nombre important d’agents polonais du SOE et d’armement en zone sud. Les agents, l’armement, le matériel radio, de sabotage et parfois l’argent parachuté, transitaient ensuite vers la zone Nord via les réseaux ferroviaires et routiers, souvent à l’aide de femmes appartenant à l’organisation.
L’arrivée de Jozef Grzybowski à Sainte-Colombe est donc largement due au Capitaine Brzosko et au Lieutenant Radio Pucilowski.En outre, le Lot-et-Garonne comptait une forte communauté de réfugiés polonais. Ils furent parmi les premiers à résister, suite à la défaite de 1940. Une zone de largage fut homologuée, sous le nom de code « Léon », entre Sembas et Laugnac, au lieu-dit « La Ninotte ».
Trois agents polonais du SOE ont donc été parachutés la nuit du 5 au 6 mars 1944, depuis un bombardier anglais Halifax du Squadron 161 de la Royal Air Force, piloté par le Capitaine Halle.Le nom de code du parachutage était Darenth I / Wheelwright 84.
Les trois agents étaient :
-Le Lieutenant Wladyslaw Wazny,pseudo « Wladyslaw Rozmus », nom de code« Tygrys ».
- Le Sous Lieutenant Jozef Grzybowski, pseudo « Jozef Trybus », nom de code « Lalka ».
- Le Caporal Edmund Bomba, pseudo « Emile Jules Boucheron », nom de code « Torreador ».
La famille KOPPER, émigrés polonais s’étant installés dans les environs de Sainte Colombe de Villeneuve, était également membres de l’organisation de résistance polonaise POWN. M. KOPPER avait rassemblé autour de lui un petit groupe de résistants, dont le PC était le château de Lamaurelle, situé à quelques kilomètresdu lieu du parachutage.
Le soir du parachutage, la météo était mauvaise et les pilotes ne sont pas parvenus à trouver le terrain balisé. Le pilote a donc réalisé un largage « à l’aveugle », ne trouvant pas le balisage prévu. Cela arrivait assez fréquemment : Les équipes d’agents du SOE préféraient souvent sauter, même sans repérer l’équipe de réception au sol, plutôt que de rentrer en Angleterre.
Le terrain de parachutage de nos jours. Photo de l’auteur
Mais lors du largage,ayant lieu entre minuit et 1h du matin, le Sous-Lieutenant Jozef Grzybowski ne peut éviter un des grands peupliers bordant le ruisseau « L’Autonne », au fond de la vallée et se brise la colonne vertébrale à l’atterrissage.
Les deux autres parachutistes parviennent à se retrouver après le saut et se mettent à couvert. Ils abandonnent leurs combinaisons de saut et parachutes dans un petit bois à 500 m du terrain, cachés sous des feuilles mortes. Les parachutes et combinaisons seront retrouvés et conservés par M. FREON, propriétaire du bois. Les combinaisons seront retaillées après-guerre pour faire des blousons, les parachutes serviront à faire des chemises, et le rembourrage des coussins amortisseurs des combinaisonsde saut trouvera une seconde vie, sur le joug des bœufs de la ferme.
Au cours de la nuit, M. KOPPER et son équipe du château de Lamaurelle, ayant entendu l’avion, finiront par retrouver les deux agents et iront ramasser sur le terrain improvisé, le plus gros du matériel parachuté en même temps que les agents. En effet, un parachutage d’agent du SOE s’accompagne toujours de plusieurs kilos de matériel en tout genre (armement, munitions, radios, médicaments, etc). Mais le ramassage des containers s’étant fait dans l’urgence avant le lever du jour, certains « colis »sont oubliés sur place, notamment dans le cours d’eau« L’Autonne » au fond de la vallée.
M. CHEVALIER Jean, habitant au lieu-dit « Toulzat », et plus proche voisin du lieu du parachutage, découvre dans son champ le corps du parachutiste et les restes du parachutage. Son fils, Marcel CHEVALIER, âgé de 20 ans, se trouvait à ce moment-là aux Chantier de la Jeunesse, groupement N°34, puis pris par le STO, ne rentrera d’Allemagne qu’en juin 1945. Il est à noter que Jean CHEVALIER, camouflera dans sa grange une balise radio « Eurêka » parachutée au cours de la nuit, et tombée dans le ruisseau. Cette balise était un dispositif top secret à l’époque, qui venait juste d’être développé par les alliés, et qui ne devait en aucun cas tomber aux mains de l’ennemi. Elle était donc munie d’un dispositif interne d’autodestruction, qui n’a pas été activé sur cet exemplaire. Le rôle de cette balise était de correspondre avec une balise jumelle, présente dans les avions anglais et américains, pour guider avec précision les pilotesvers les futures zones de parachutages. Elle était parachutée accrochée au harnais du parachutiste, surement à Jozef Grzybowski, qui est lui aussi tombé en bordure du ruisseau. M. CHEVALIER a donc récupéré et caché ce matériel oublié par l’équipe de réception, avant l’arrivée des allemands. Il est fort probable que si les allemands avaient découvert cette balise radio cachée chez lui, la tournure des choses n’aurait pas été la même ! Cette balise est restée cachée 76 ans dans la grange de la famille CHEVALIER, toujours recouverte de la boue due à son atterrissage, proche du cours d’eau « L’Autonne ».
M.PIZZULIN, autre voisin habitant au lieu-dit « Landès », se souvient que son père lui parlait de plusieurs zones d’herbe foulée et écrasée, dans les prés de M. CHEVALIER, au moins une dizaine, à l’endroit où les containers étaient tombés et avaient été récupérés.
M. Antonin TRIEU, le maire de St-Colombe-de-Villeneuve, arrive sur place au matin. La gendarmerie, estégalement dépêchée sur place dans la journée,suivit de soldats allemands, sans doute des Feldgendarmes d’Agen. Ils fouillent le corps de JosefGrzybowski, toujours habillé de sa combinaison de saut, et trouvent ses papiers, ainsi que son pistolet. Ses papiers indiquent une fausse identité : « TRIBUS Josef, né le 17 juillet 1915, à Bioccany-Kutno, Pologne ». M. TRIEU consigne ces informations dans l’acte de décès, qu’il établit le 6 mars 1944. Il décrit également l’homme : « paraissant âgé d’une trentaine d’années, taille : un mètre soixante-dix, cheveux blonds, forte corpulence, vêtu d’un complet marron, coiffé d’un chapeau mou en feutre marron, enveloppé dans une combinaison d’aviateur en toile imperméable de couleur kaki ». Le rapport de gendarmerie, établi à Agen le 7 mars 1944, précise également qu’il « a été trouvé non loin du cadavre du parachutiste, 2 ballots également parachutés, contenant des caisses métalliques et un poste radio ».Il est à noter ici que Jozef Grzybowski est décrit portant un chapeau en feutre, alors que le saut s’effectuait avec un casque spécifique et des lunettes de protection. Quelqu’un lui a donc retiré son casque après l’atterrissage et l’a coiffé de son chapeau.
Les soldats allemands décident d’essayer le pistolet du parachutiste en tirant contre un arbre. Le bruit des détonations, qui se répercutent dans toute la vallée, font croire à certains voisins que les allemands sont en train de fusiller la famille CHEVALIER. Ces voisins s’enfuient alors dans les bois, pour échapper aux allemands. En réalité, les allemands et gendarmes repartent comme ils sont venus, en emportant le pistolet du parachutisteet le matériel restant, mais laissent le corps sur place, avec charge pour le maire de procéder à l’inhumation.
Le corps de Jozef GRZYBOWSKI fut transféré au cimetière communal de St-Colombe, où il repose toujours de nos jours.
Une parenthèse concernant le lieu du parachutage. M. PIZZULINAlain m’a précisé que son grand-père organisait des bals clandestins dans sa grange, au lieu-dit Landès, pour les jeunes gens de St-Colombe (avec l’aide de la famille FREON, qui montait la garde à l’entrée du chemin, en cas d’arrivée impromptue des gendarmes). Or M. PIZZULIN est certain que la nuit du parachutage, il n’y avait pas de bal clandestin organisé, et ce ne sont donc pas les lumières de cet hypothétique bal, qui ont provoqué le parachutagedans cette vallée.
Une autre explication avancée, pour comprendre la raison du parachutage à cet endroit, est que cette nuit-là, Mme RENAT, habitant au lieu-dit « Villot » situé à 600m du lieu-dit « Toulzat », s’est rendu de nuit avec une lanterne chezla famille CHEVALIER, pour les aider à faire vêler une vache. La lanterne se balançant lors de la marche de Mme RENAT, aurait été aperçue par les pilotes du Halifax, qui l’auraient prisepour le signal convenu. A noter que le balisage d’un terrain de parachutage, nécessite néanmoins un procédé plus complexe qu’une lumière clignotante. Ce balisage est formé de 3 lampes rouges alignées (ou feux blanc fixes alignés, à partir de mai 44) et d’une lampe blanche clignotante, placée à un endroit précis par rapport aux feuxrouges fixes, donnant une lettre en code morse, définie au préalable.
Il reste à évoquer le parcours des deux autres parachutistes polonais : le Lieutenant Wladyslaw Wazny et le Caporal Edmund Bomba, le radio de l’équipe. Recueillis et cachés par la communauté polonaise établie entre Agen et Villeneuve sur Lot, dont la famille KOPPER, ils prirent apparemment un train en gare d’Agen. Il se dit qu’ils disposaient de fortes sommes d’argent en liquide sur eux, ce qui n’est pas surprenant, car ils avaient aussi pour rôle de ravitailler la résistance, en plus de la former et de l’équiper. Là se perd leurs traces pour l’instant. Mais après recherches internet, Le Lieutenant Wladyslaw Wazny aurait été tué par la Gastapo le 19/08/1944 à Montigny en Ostrevent et le caporalEdmund Bomba, alias « Torreador », arrêté le 20/07/1944 et déporté à Buchenwald. Je ne suis pas parvenu à savoir s’il en est revenu. Pour conclure, saluons simplement le courage et l’engagement de ces hommes, prêts à tout donner, y compris leurs vies, pour la Liberté, notre liberté.
Pascal ROUDIL
le 05/01/2020
Tous mes remerciements à Mme OURABAH Annie, M. PIZZULIN Alain, Mme CHEVALIER Nadine, M. FREON Jean-Claude et sa compagne, M. BOUYSSOU Christian
Sources :
• Tentative de reconstitution de l’historique des in(ex)filtrations d’agents en France de 1940 à 1945
http://www.plan-sussex-1944.net/francais/pdf/infiltrations_en_france.pdf
• Parachutages d'agents de la Résistance Polonaise en Région Auvergne-Rhone-Alpes 1942-1944 (C) Copyright 06/2017 CERCLE AERONAUTIQUE LOUIS MOUILLARD
Légende :
Zone du parachutage
Lieu de découverte du corps du parachutiste
Tombe actuelle de Joseph Grzybowskidans le cimetière
communal de Sainte Colombe
Bois de M. FREON dans lequel ont été retrouvées les combinaisons
des deux autres parachutistes, camouflées sous un tas de feuilles.
Ferme de la famille CHEVALIER (lieu-dit Toulzat)
Ferme de la famille FREON (lieu-dit Maurisquet)
Ferme de la famille PIZZULIN (Lieu-dit Landès)
Château de Lamaurelle (présence d’un groupe de maquisards)
les héroînes oubliées : les filles de l’Escadron bleu
Synopsis
Dans l’immédiat après-guerre, un groupe de jeunes françaises ont chargées d’une impossible mission. Rapatrier leurs compatriotes éparpillés par le conflit à travers un continent dévasté. Mais il faut agir vite ; avant que les frontières ne se ferment, avant que le rideau de fer ne tombe ! Une course contre la montre singulière s’engage alors au coeur d’une Europe meurtrie. Un voyage en enfer qui va les bouleverser à jamais…
Chronologie
1er septembre 1944 : création du Ministère des Prisonniers, déportés et rapatriés qui s’attelle à la tâche ardue d’assurer le retour en France des 1 330 000 prisonniers, réfugiés et déportés de la zone alliée et de les réintégrer dans la vie nationale en quatre mois entre avril et juillet 1945.
29 avril – 2 mai 1945 : Affectée auprès du Général Catroux – ambassadeur de France à Moscou – la médecin-lieutenant Madeleine Pauliac voyage en train de Moscou à Varsovie afin de coordonner l’évacuation des Français captifs en Europe de l’Est.
8 mai 1945 : signature de la capitulation sans condition de l’Allemagne nazie. La guerre prend fin.
25 mai 1945 : Mission médicale de Madeleine Pauliac à Dantzig. Apprenant que des religieuses ont été violées par l’Armée Rouge, elle leur vient en aide pour accoucher puis pour évacuer les nouveau-nés vers la France.
Juin 1945 : création par Madeleine d’un dispensaire français à Varsovie au siège de la Croix-Rouge Polonaise.
Juin – 20 juillet 1945 : signature à Moscou par le Général Catroux de la convention de rapatriement autorisant le gouvernement français à évacuer ses ressortissants dans la zone d’occupation soviétique.
8 juillet 1945 : ouverture de l’Hôpital français de Varsovie.
25 juillet 1945 : atterrissage du premier avion d’évacuation de blessés en Pologne.
26 juillet 1945 : arrivée des 5 ambulances de la Croix-Rouge Française se composant de 11 conductrices et infirmières volontaires sous la direction de Violette Guillot. On les appelle « l’Escadron bleu » en raison de la couleur de leurs uniformes offerts par l’armée américaine.
Août – Novembre 1945 : L’Escadron bleu sillonne les routes de Pologne en accomplissant près de 200 missions de sauvetage de français éparpillés dans tout le pays.
11 Novembre 1945 : suite à la fermeture des frontières de la zone d’occupation soviétique par l’URSS, « l’Escadron bleu » achève sa mission et retourne en France
13 février 1946 : Madeleine Pauliac meurt durant sa dernière mission en Pologne au cours d’un accident de voiture.
AUTEUR
Philippe Maynial et Emmanuelle Nobécourt
Sur les traces des infirmières de l'Escadron Bleu, à Varsovie, en juillet 1945. Une projection en avant-première du film « Les filles de l'Escadron Bleu », organisée par la Croix-Rouge Monégasque (CRM), s’est déroulée à l'Espace Léo Ferré.
Rencontre avec Frédéric Platini, Secrétaire Général de la CRM, et Philippe Maynial, neveu de Madeleine Pauliac.
Cancon 1935 à 1945 (Lot-et-Garonne)
Alix Guérin, « colonel Lauzun » ou « colonel Beck », né le 8 septembre 1900 à Cancon (Lot-et-Garonne), s'inquiète de la poussée nazie dès 1933, après avoir été officier d'active, en Allemagne, de 1920 à 1926. En 1939, il prend le commandement d'une unité d'artillerie lourde qui opère en mai 1940 en région parisienne où il est fait prisonnier le 14. Le 15 mai 1940, il s'évade et rejoint le Lot-et-Garonne. En juillet, lorsque son unité est démobilisée, il est nommé commandant d'un parc automobile à Bias.
Il commence immédiatement, de son propre chef, à camoufler du matériel de l'armée. En désaccord avec une partie de sa hiérarchie, il est envoyé en Corse de janvier à décembre 1942.
Après une tentative infructueuse de départ pour l'Afrique du Nord, il prend contact en Lot-et-Garonne avec les premiers mouvements de Résistance, le groupe Victoire, le mouvement Combat, puis l'ORA pour lequel il travaille dans l'arrondissement de Villeneuve-sur-Lot.
L'évasion des prisonniers d'Eysses en janvier 1944 lui permet d'entrer en contact avec les Mouvements unis de Résistance (MUR).
En janvier 44, 54 sont alors hébergés par Mme Vernet, famille Gibily, Pierre Papou et d'autres personnes. Aucun des évadés ne sera repris.
André Lescorat et Philippe de Vomécourt ont laissé le récit de cette spectaculaire évasion.
Il devient chef des MUR pour les secteurs de Villeneuve-sur-Lot et d'Agen, puis pour l'ensemble du Lot-et-Garonne après la mort d’Albert Cambon.
Véritable chef de la Résistance après la constitution du CDL en mai 1944, il dirige la libération du Lot-et-Garonne durant l'été 1944.
Il abandonne la présidence du CDL au début de novembre 1944 pour rejoindre le ministère de la Guerre.
Monflanquin 1935 à 1945, (Lot et Garonne)
Parcours de jeunes. Après les Chantiers de jeunesse, ils ont été requis pour le STO (service du travail obligatoire). René Mauriac a relaté dans ses carnets ce qu'ils ont vécu, les voyages et le travail en usine… Le fils du milicien Brugères est en désaccord avec ses parents ; il est parti et s'est engagé dans l'aviation anglaise. D'autres jeunes se sont engagés dans la marine comme Robert Gerveau, ou dans l'armée comme André Gipoulou, Léonce Guérin…Monflanquin 1935 0 1945: